Et si ?
Le bruit sourd du métro gronde sous mes pas, du haut des escalators parisiens se faufilent des gens en masse, dont le visage m'apparaît perpétuellement fermé. Tapotant les smartphones, ces mains ne savent que faire de leur environnement. Vibrant d'écouteurs, seules les vibrations synthétiques parviennent aux oreilles."A quoi pensent-ils ?" , pensais-je. "Où vont-ils ? Quels sont leurs rêves ?" Je me perds dans mes questions existentielles, parmi ces regards obstrués de négation : ne pas voir, ne pas montrer qu'on s'est vu, ne pas se montrer. Pourquoi donc ces villes aux rêves acidulés de l'époque nous offrent la vaste quête de la solitude ? Je rêvasse et me berce de suppositions. - "Pardon Melle !" - "Oh excusez-moi, je ne vous ai pas vu.." dis-je à ce jeune homme, plutôt ennuyée. - "Ce n'est pas grave.. vous étiez dans vos songes..." Il me regarda profondément puis s'éloigna avec un air malicieux. Prise à mon propre jeu, je restai figée sur place quelques secondes. Un métro passe. "Pourquoi ne l'avais-je pas vu?" J'enlevai mes écouteurs et remis mon téléphone dans la poche. "Comment savait-il.. pour mes songes... comment avait-il vu ? " J'avais cette conviction profonde qu'il avait lu au plus profond de moi, comme-ci il avait suivi le flot de mes pensées, le temps d'un instant, entre deux arrêts. Il m'avait vue. C'était aussi simple que ça et je le ressentais profondément. Une autre rame arriva, les portes s'ouvrirent ; je monte dans le métro. "Et si nous étions tous reliés.. ?" pensais-je en regardant tous ces visages autour de moi. "Et si sans le savoir, nous nous parlions bien plus qu'on ne le croit ? Et si nous nous parlions en silence ? "... Debout, face à ces êtres centrés sur leurs mondes intérieurs, un large sourire s'esquissa sur mon visage. Je pris conscience d'une chose qui me parût tout à fait essentielle. Oui, nous sommes tous reliés. Et nous communiquons sans cesse par le flot de nos pensées et de nos rêves, l'univers de l'un rejoignant indéniablement l'univers de l'autre. Une vague de douceur s'empara de moi, ce qui, par l'ironie du hasard -ou non-, fit sourire mon voisin d'à côté. A son tour, d'un regard malicieux, il me regarda profondément et me souhaita "une agréable journée".
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